
La FFR, qui place la recherche de la haute performance, mais aussi la santé et la sécurité, au cœur de son projet fédéral et de son orientation stratégique, a recherché un outil capable de l’aider à analyser ce qui se passe en mêlée, mais rien n’existait sur le marché. Via son pôle scientifique, elle s’est donc rapprochée de l’Université Paris V, du groupe Thales ainsi que du CNRS, pour qu’ils conçoivent un système reproduisant fidèlement une mêlée réelle et sur lequel n’importe quel pack d’avants, qu’il soit novice ou expert, peut tenter de rivaliser en toute sécurité. C'est pourquoi ils ont mis au point un simulateur de mêlée, baptisé M-Rex, inauguré le 4 juin 2010 au CNR de Marcoussis (Essonne) par l'équipe de France (notamment Didier Retière, l'entraineur chargé des avants) ainsi que la Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.
1) Description
Le simulateur utilise un robot hexapode associé à des capteurs d’efforts (forces et mouvements) sur chaque tête de joug. Il reproduit les mouvements d’une mêlée en déplaçant le joug sur la profondeur, la largeur et la hauteur, mais aussi en lui imprimant une orientation grâce à trois rotations. Il ne s’agit donc pas d’un simple simulateur de musculation qui ne mesure que la force, mais il a été conçu pour développer le contrôle sensori-moteur des joueurs.
Pour concevoir ce robot hexapode, les équipes de travail ont appliqué à la mêlée la technologie utilisée dans les simulateurs de vol :
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Les positions et les mouvements des huit joueurs d’un pack d’avants ont été modélisés pour être programmés dans l’appareil
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des capteurs d’une très grande sensibilité (de 1 gramme jusqu’à 4,4 tonnes), situés entre le joug et la structure du simulateur, analysent en temps réel les poussées et les mouvements produits par les joueurs
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de puissants calculateurs transmettent les informations à six vérins électriques qui assurent en temps réel le déplacement du simulateur de mêlée dans les trois dimensions (hauteur, longueur, largeur).


Toutes les actions du simulateur sont contrôlées par Didier Retière à l'aide d'un logiciel où il programme les réactions du simulateur avec une souris en déplaçant les différents curseurs (vitesse de réaction, force de poussée, comportement agressif ou souple...) ou avec un joystick standard. Ayant un certain avantage face à ses joueurs : la machine réagit au millième de seconde, soit 100 fois plus vite qu'un homme.


La mêlée constitue un élément de jeu fondamental de la pratique du rugby. Elle représente à elle seule toute la dimension collective et combative de ce sport. C'est pourquoi la Fédération française de rugby a développé, en collaboration avec Thales et le CNRS, ce simulateur de mêlée afin d'analyser les risques d’accidents, et utiliser cet appareil performant pour analyser les comportements individuels des joueurs et les entraîner à faire corps.
a) Réduire les accidents
L’objectif de ce simulateur était, à l’origine, d’analyser les risques d’accident en mêlée et de les prévenir, notamment au niveau du rachis cervical (parti de colonne vertébrale). En effet, ce sont les instabilités dans la mêlée qui peuvent provoquer des accidents. Ce simulateur contribue à ces besoins de réduction des taux d’accidents.
Pour preuve, ces quelques chiffres : un poids de 834 kilos en moyenne pour chaque packs, une vitesse relative à l'entrée des joueurs de 2 mètres par seconde, un pic d'effort maximum à l'impact de 2 tonnes, sans oublier 1 tonne maximum en poussée continue. Ces chiffres nous montre bien toutes les forces qui s'exercent à l'intérieur d'une mêlée et qui étaient méconnues pour la plupart avant l'invention de cette machine. Ce simulateur évite les blessures liées à l'effondrement de la mêlée lorsque les premières lignes perdent appuis (photo ci-dessous à gauche)


Exemple :
Alexandre Barozzi, pilier du CA Lannemezan, qui c'est fracturé la 4ème vertèbre lors d'une mêlée écroulée pendant un match de fédérale 1, le 29 septembre 2013 vient de sortir de l'hôpital le 20 janvier 2014. (Photo ci-dessus à droite)
b) Se perfectionner
Ce simulateur va encore plus loin, puisqu’il peut être utilisé à des fins d’entraînement et de préparation de matchs. Le simulateur réagit en temps réel, comme le ferait une mêlée adverse avec la stratégie de contrôle qu’on lui a programmée. Le simulateur permet à Didier Retière de mettre les joueurs dans une situation qui correspond à un type d'entraînement précis, plus en mouvement, en force intelligente, qu'en force brute car le principe de cette machine étant de travailler l'aspect technique de l'exercice de la mêlée et non la dimension physique de cette phase de conquête, ce qui était impossible auparavant avec les jougs traditionnels (ci-dessous).

En effet, le simulateur permet de recueillir des informations sur la performance des joueurs, présentées sous formes de courbes (vitesse de réaction ; force de poussée ; tenue à l'effort ; etc.), afin que le joueur prenne conscience de ses atouts et des points à perfectionner. Une séance sur le simulateur étant considéré comme équivalente à plusieurs séances en opposition classique.
Une deuxième version du simulateur serait en gestation. Elle offrirait un certain degré de liberté au niveau des trois têtes de mêlée, pour se rapprocher encore plus du comportement sur le terrain.
C’est pour ces raisons qu’à terme il permettra à la FFR de valider précisément tous les plans de formation proposés aux pratiquants amateurs, jeunes ou adultes et bien sur de préparer au mieux les équipes de France aux échéances majeures (Tournoi des six nations et Coupe du monde 2015).Ce projet a permis d'associer la haute technologie, le sport de haut niveau et la recherche. En effet un groupe de sept personnes de Thales a travaillé sur le projet, dans le cadre d’une véritable collaboration technologique avec les équipes de la FFR, soutenu par le CNRS (centre national de la recherche scientifique). Le développement a été mené en particulier par Didier Retière de la FFR, Pierre-Paul Vidal, directeur de recherche CNRS à l’Université Paris- Descartes, spécialiste en neurosciences, Julien Piscione, docteur d’état en biomécanique, responsable du pôle scientifique de la FFR et Serge Couvet, ingénieur au sein des activités simulation de Thales.